DIGESTIF (APPAREIL)

DIGESTIF (APPAREIL)
DIGESTIF (APPAREIL)

L’appareil digestif est l’un des premiers à se différencier dans l’échelle animale puisqu’il existe déjà, sous forme d’un sac s’ouvrant à l’orifice buccal, chez les Cœlentérés. C’est aussi l’un des appareils dont la différenciation est le plus précoce au cours du développement d’un organisme, puisqu’il dérive de l’un des deux feuillets primitifs de l’embryon; ce feuillet, nommé endoderme, apparaît en dedans de l’ébauche embryonnaire, évoquant ainsi une sorte de tube digestif primordial.

Par ailleurs, dans toute la série animale, les caractères anatomiques et fonctionnels de l’appareil digestif sont suffisamment constants pour que son identification, lors d’une dissection, ne présente jamais de difficultés. La paroi digestive assez mince, à certains niveaux, pour permettre l’absorption des substances ingérées, présente des glandes productrices d’enzymes qui hydrolysent les constituants alimentaires chimiquement complexes; des fibres musculaires lisses incluses dans cette paroi assurent le brassage des aliments et des sucs digestifs. Une telle stabilité dans la structure et les fonctions d’un appareil est un fait remarquable.

L’évolution n’a pas manqué cependant d’apporter au plan immuable de l’appareil digestif des retouches et des variantes de détail d’une infinie complexité. Qu’il s’agisse des modifications du dispositif buccal (prodigieusement varié déjà chez les Insectes), qu’il s’agisse des modifications de l’équipement enzymatique, qu’il s’agisse de subtilités anatomiques (gésier des Oiseaux, panse des Ruminants), tout concourt, toujours et partout, à assurer au mieux l’adaptation de l’organisme à son régime alimentaire, comme on le vérifiera aisément en consultant les articles de zoologie [cf. DIGESTION].

Au total, l’appareil digestif humain, qui sera pris ci-dessous en exemple, apparaît comme un type relativement archaïque, simple et peu spécialisé, qui correspond à un régime omnivore assez banal. Mais sa rusticité ne le garantit pas des inconvénients de l’hominisation: c’est le type même des appareils dont la pathologie est très largement d’origine psychosomatique.

L’appareil digestif partage avec les poumons et la peau un caractère très particulier. Il est extérieur au corps humain. Chacun se fait du corps une image simple: c’est un monde fermé, protégé par la peau. On imagine que seule la peau est en contact avec le monde extérieur: l’air, l’eau, la matière, mais aussi avec les microbes et tous les toxiques. À l’inverse on pense que tout ce qui est sous la peau est l’intérieur du corps, sans contact immédiat avec notre environnement. Ce n’est vrai ni pour les poumons, ni pour le tube digestif. L’air extérieur pénètre jusqu’aux alvéoles pulmonaires dont la membrane est la véritable barrière qui sépare l’air de notre intérieur. Le tube digestif est un tube continu ouvert aux deux bouts sur l’extérieur, mais tout ce qui se trouve à l’intérieur du tube, dans la lumière digestive (même les aliments en cours de digestion), ne cesse pas d’appartenir au monde extérieur. Par exemple, si l’on avale des cheveux – qui sont indigestibles – ils ressortiront à peine modifiés à l’autre extrémité, ils ne seront jamais entrés réellement dans notre corps.

Ceci implique que le tube digestif – comme la peau – (comme les poumons) a des contacts «normaux» avec l’air, l’eau, la matière, les microbes et les toxiques. À ce titre, comme la peau et les poumons, il est spécialement équipé de systèmes défensifs (barrières chimiques, barrières immunitaires) qui jouent un rôle non négligeable dans son fonctionnement.

1. Description de l’appareil digestif humain

L’élément principal de l’appareil digestif est un tube, ouvert à ses deux extrémités. On peut distinguer: un pôle supérieur, ou céphalique, la cavité buccale , véritable vestibule du tube digestif, par laquelle pénètrent les aliments; et un pôle inférieur, ou caudal, le rectum , qui contrôle la défécation par l’orifice anal. Entre ces deux pôles, le tube digestif se différencie en quatre segments: une région de passage, représentée par le pharynx , puis l’œsophage ; une poche, l’estomac , où prédominent les phénomènes mécaniques; un long tube pelotonné en anses, l’intestin grêle , où s’effectuent les transformations chimiques principales et l’absorption des aliments; enfin un conduit large, relativement court, le gros intestin ou côlon , qui déshydrate et digère les résidus alimentaires, les concentre en matières fécales.

On annexe au tube digestif un système glandulaire, qui se présente selon deux modalités. La paroi interne du tube, ou muqueuse, possède des cellules sécrétrices, dont l’ensemble constitue une véritable glande diffuse aux fonctions complexes: certaines cellules sécrètent des enzymes, protéines possédant des fonctions digestives très spécifiques, d’autres cellules sécrètent des molécules simples (HCl ou CO3HNa).

Il existe d’autre part de véritables glandes bien individualisées, situées en dehors du tube digestif, et spécialisées dans diverses sécrétions qu’elles déversent dans le tube digestif par un ou plusieurs canaux excréteurs. On peut citer les glandes salivaires , affectées à la cavité buccale, et deux très volumineuses glandes de l’abdomen, le foie et le pancréas , produisant respectivement la bile et le suc pancréatique.

La bile, qui arrive à l’intestin par le canal cholédoque, ne possède aucun ferment digestif, mais elle est indispensable pour émulsionner les graisses par ses sels biliaires. Le suc pancréatique, à l’opposé, contient des enzymes très actifs; ils agissent sur les trois grandes catégories d’aliments: les glucides, les protides et les lipides. Glande digestive par excellence, le pancréas déverse sa sécrétion par le long canal de Wirsung. Chez l’homme, le canal de Wirsung et le cholédoque se terminent au même niveau, à la partie supérieure de l’intestin grêle, le duodénum.

Les différents segments seront analysés dans leur ordre de succession, de l’orifice buccal à l’orifice anal, avec les glandes qui leur sont affectées.

La cavité buccale

Réceptacle des aliments, la cavité buccale possède trois grandes fonctions: la mastication, la déglutition et la gustation (fig. 1). La bouche comprend une partie principale, la cavité buccale proprement dite, qui loge la langue, et, séparée d’elle par les arcades alvéolo-dentaires, une partie secondaire, le vestibule.

Le vestibule est une fente en fer à cheval, qui circonscrit la partie périphérique des arcades dentaires. Il se divise en une partie moyenne, formée par deux replis épais, les lèvres supérieure et inférieure, et deux parties latérales, appartenant à la joue. Les lèvres bordent (et peuvent clore) l’orifice buccal, qui s’ouvre lors de l’introduction des aliments, ou lors de la phonation.

Les arcades alvéolo-dentaires sont supportées par les mâchoires; la mâchoire supérieure résulte de la fusion des deux os maxillaires; la mâchoire inférieure appartient à la mandibule. Chacune supporte, chez l’adulte, 16 dents (4 incisives, 2 canines, 4 prémolaires et 6 molaires).

La langue , élément principal de la cavité buccale, possède une très riche musculature striée, recouverte d’une muqueuse hautement différenciée présentant les papilles du goût; les plus volumineuses, les papilles caliciformes, ont la particularité de s’ordonner en un V lingual, de part et d’autre d’une papille médiane de grande taille. La fonction gustative de la langue dépend essentiellement du nerf glossopharyngien; le nerf moteur de la langue est le grand hypoglosse.

Les glandes salivaires comprennent des îlots dispersés, les petites glandes salivaires, situées dans la muqueuse jugale, labiale, palatine, et, de chaque côté, trois éléments principaux: la glande sublinguale, la glande sous-maxillaire et la parotide. Il s’agit, histologiquement, de glandes en grappes, qui évacuent leur produit de sécrétion par un canal excréteur.

La glande sublinguale (3 g) se loge dans le plancher de la bouche; elle soulève la muqueuse du sillon alvéolo-lingual. La glande sous-maxillaire , plus grosse, se développe de part et d’autre du bord inférieur de la mandibule. On peut la palper dans la région sus-hyoïdienne. Le canal de Wharton, affecté à cette glande, s’ouvre sur la ligne médiane par un petit orifice, l’ostium umbilicale , visible au niveau d’une saillie du plancher buccal, la caroncule sublinguale. La parotide , la plus volumineuse (30 g), la plus latérale des glandes salivaires, se développe en arrière de la mandibule, en avant du pavillon de l’oreille. Elle peut être l’objet d’une tuméfaction d’origine virale, les oreillons. Le long canal de Stenon, qui la dessert, aboutit au vestibule de la bouche, en regard d’une grosse molaire supérieure.

La sécrétion salivaire est déclenchée par le contact des aliments sur la muqueuse sensorielle de la langue; la salive attaque l’amidon par un enzyme, la ptyaline.

La mastication met en jeu les dents, qui sectionnent les aliments (incisives) et les broient (prémolaires et molaires). Les aliments ainsi divisés sont insalivés, et la langue les modèle en bouchées arrondies; chaque bouchée quitte la cavité buccale lors d’un mouvement de déglutition, et s’engage dans le pharynx.

Le pharynx et l’œsophage

Il s’agit de deux conduits superposés, de structure différente et à l’activité sécrétoire très réduite. Leur rôle principal est de faire progresser le bol alimentaire vers l’estomac.

Le pharynx se situe en avant de la colonne vertébrale; sa partie supérieure est céphalique, sa partie inférieure est cervicale. Il s’agit d’un tube incomplet, d’une gouttière largement ouverte en avant, haute de 15 cm, et qui prend appui sur différents éléments squelettiques: apophyses ptérygoïdes, mandibule, os hyoïde, cartilages du larynx.

La musculature est striée, volontaire, formée d’une part par trois muscles constricteurs imbriqués, entrecroisés sur la ligne médiane postérieure, et, d’autre part, d’éléments longitudinaux, essentiellement les muscles stylo-pharyngiens. L’innervation est assurée par les nerfs glosso-pharyngien et pneumogastrique.

Béant en permanence, le pharynx est le carrefour des voies aériennes et digestives. En effet, de haut en bas, s’ouvrent dans le pharynx les fosses nasales, la cavité buccale et le larynx. Cela implique l’existence d’un appareil de protection des voies aériennes lors de la déglutition; il est représenté en haut par le voile du palais, en bas par l’épiglotte. Le voile est une cloison épaisse, mobile, qui prend appui en avant sur la voûte palatine osseuse, et se différencie latéralement en piliers, antérieur et postérieur, entre lesquels fait saillie une formation lymphoïde, l’amygdale palatine. Le bord postérieur du voile est libre et se prolonge, sur la ligne médiane, par la luette. Le voile du palais sépare le naso-pharynx du bucco-pharynx; pendant la déglutition, le voile monte, prend contact avec la paroi postérieure du pharynx, prévenant ainsi le reflux des aliments vers les fosses nasales (fig. 1). L’épiglotte est un cartilage du larynx qui s’élève jusqu’à la base de la langue et s’abaisse à la déglutition, ce qui obture l’orifice supérieur du larynx; ainsi est évitée l’inhalation des aliments vers la trachée et les bronches.

L’œsophage est un long conduit, très profond, médian, proche de la colonne vertébrale, qui traverse le thorax de part en part. Son orifice supérieur, ou bouche œsophagienne, situé en regard de la sixième (ou septième) vertèbre cervicale, s’ouvre dans le pharynx. On observe parfois à ce niveau des diverticules de la muqueuse œsophagienne (diverticules pharyngés). L’orifice inférieur, ou cardia, est commun avec l’estomac, et se situe dans l’abdomen, en regard du versant gauche de la dixième vertèbre thoracique. L’œsophage comprend deux tuniques, une musculeuse lisse et une muqueuse peu sécrétante. Il est animé de mouvements péristaltiques, qui font progresser le bol alimentaire vers l’estomac.

Situé dans le médiastin postérieur, entre les plèvres, l’œsophage contracte d’importants rapports anatomiques: en avant, la trachée en est le satellite sur tout son trajet; plus bas, l’œsophage se situe en arrière de la bronche gauche et du cœur, plus précisément derrière l’oreillette gauche, dont il est séparé par le péricarde; latéralement, les rapports sont surtout vasculaires: crosse de l’aorte et artère sous-clavière à gauche, crosse de la veine grande azygos à droite. En arrière, de droite à gauche, la veine grande azygos, le canal thoracique et l’aorte s’interposent entre l’œsophage et le rachis.

L’œsophage franchit le diaphragme par une boutonnière, l’hiatus œsophagien, délimité par l’entrecroisement des piliers charnus diaphragmatiques, et accompagné par les nerfs pneumogastriques, le gauche en avant, le droit en arrière. On peut explorer l’œsophage soit par endoscopie (œsophagoscopie), soit par radiographie, après opacification barytée. L’abord chirurgical en est malaisé, par thoracotomie, droite ou gauche selon les préférences ou selon le siège des lésions. L’affection la plus grave est le cancer, qui frappe surtout l’homme après quarante ans. La dispersion des lymphatiques œsophagiens, les relations de voisinage avec des éléments non extirpables (trachée, veines pulmonaires, aorte, etc.) font de l’œsophagectomie dans le cas d’un cancer une opération délicate, aléatoire dans ses résultats éloignés. La sous-muqueuse de l’œsophage terminal est le siège d’anastomoses veineuses porto-caves, responsables d’hémorragies sévères, par exemple dans les cirrhoses du foie.

L’estomac

L’estomac est une portion dilatée, très mobile, du tube digestif, recouverte de péritoine en presque totalité, et logée à la partie supéro-gauche de l’abdomen. Sa moitié supérieure, coiffée par la coupole diaphragmatique, se cache sous les dernières côtes gauches. La partie inférieure, seule accessible à la palpation, occupe l’épigastre et une partie de l’hypochondre gauche. L’exploration par lavement baryté, ou gastroscopie, et le tubage avec analyse de la sécrétion gastrique sont utilisés couramment.

Forme générale et principaux rapports

Il est commode de subdiviser l’estomac en deux portions: les deux tiers supérieurs, allongés verticalement, forment le corps ; le tiers inférieur, plus étroit, transversal, est l’antre gastrique. L’antre est séparé du duodénum par une zone rétrécie, à fonction sphinctérienne, le pylore , situé sur la ligne médiane en regard de la première vertèbre lombaire (fig. 2). Le bord droit, ou petite courbure, offre insertion à un repli péritonéal, le petit épiploon, ou épiploon gastro-hépatique; le bord gauche, ou grande courbure, circonscrit tout d’abord un véritable dôme, la coupole; à la jonction du corps et de l’antre, la grande courbure, fortement convexe, délimite la petite tubérosité, partie déclive de l’estomac. De la grande courbure se détache le ligament gastro-colique, ou grand épiploon.

La face antérieure de l’estomac est recouverte en grande partie par le lobe gauche du foie; la grande courbure est longée en bas par le côlon transverse, qui remonte très haut sur le corps de l’estomac. Le principal rapport anatomique à gauche est la rate, moulée sur le pôle supérieur de l’estomac, ou grosse tubérosité; la partie postérieure de l’estomac est séparée de différents organes (pancréas, surrénale et rein gauches, etc.) par un diverticule de la grande cavité péritonéale, l’arrière-cavité des épiploons.

L’estomac est vascularisé par les trois branches du tronc cœliaque; l’artère coronaire stomachique est destinée à la petite courbure et s’anastomose avec une branche de l’artère hépathique (la pylorique) pour former le cercle de la petite courbure. Le cercle de la grande courbure, moins développé, unit l’artère gastro-épiploïque droite, branche de l’hépatique, et l’artère gastro-épiploïque gauche, branche de la splénique. Toutes les veines se rendent à la veine porte. Enfin les lymphatiques, très dispersés, vont à des chaînes satellites des trois artères.

Structure et fonction

La sécrétion gastrique a un rôle non négligeable, qui s’efface cependant devant l’action mécanique de l’estomac. Grâce à une musculature lisse épaisse, à fibres longitudinales, circulaires et plexiformes, l’estomac malaxe les aliments, les transforme en une bouillie assez homogène, le chyme. Celui-ci est expulsé ensuite dans le duodénum par relâchement du pylore. Facteur de la continence gastrique, le rôle du pylore souligne la fonction de réservoir de la poche gastrique; cette fonction disparaît en grande partie après les gastrectomies larges, qui enlèvent plus de la moitié de l’estomac; le spasme du pylore est facteur de vomissements.

La muqueuse, épaisse, très richement vascularisée, présente des glandes en tube, avec deux variétés de cellules: les cellules principales, qui élaborent la pepsine ; les cellules bordantes, qui fabriquent l’acide chlorhydrique. La pepsine attaque les protéines; la présure coagule le lait. L’estomac possède également une fonction anti-anémique grâce au facteur intrinsèque qui permet l’absorption intestinale de la vitamine B. À la surface, la muqueuse est recouverte par la couche protectrice des cellules à mucus qui permet l’absorption intestinale.

Les affections de l’estomac sont multiples: ulcère gastrique, par autodigestion de la muqueuse; cancer, particulièrement fréquent; hernie à travers l’hiatus œsophagien; gastrites inflammatoires; hémorragies, évacuées habituellement par la bouche, sous la forme d’hématémèses, et dont une cause est la rupture de varices gastro-œsophagiennes au cours des cirrhoses du foie.

L’intestin grêle

L’intestin grêle est un tube de 6 m de long environ, que l’on peut subdiviser en deux segments très inégaux: une partie initiale en forme d’anneau incomplet, accolée en presque totalité à la paroi de la cavité abdominale, constituant le duodénum; une partie principale, le jéjuno-iléon, formé d’anses libres, non accolées.

Le duodénum est large, 5 à 6 cm de diamètre, long de 25 cm seulement, et enroulé autour de la tête du pancréas (fig. 2). L’abouchement des canaux biliaire et pancréatique se fait à la partie moyenne du duodénum. On le subdivise en quatre segments. Une première portion, courte, horizontale, en partie mobile, succède au pylore; elle correspond en pratique à ce que les radiologues nomment le «bulbe» et représente un siège privilégié pour les ulcères; la vésicule biliaire prend appui sur cette portion. La deuxième portion est longue, verticale, située en avant du rein droit et de son pédicule; elle est recouverte par le lobe droit du foie; sur son versant interne, à peu près à mi-hauteur, débouchent le canal cholédoque et le canal de Wirsung; le plus souvent, les deux conduits se déversent dans une dilatation, l’ampoule de Vater, entourée d’un anneau musculaire lisse, le sphincter d’Oddi. La troisième portion croise transversalement la colonne lombaire, en regard de l’ombilic (au niveau de la 4e vertèbre lombaire); elle s’insinue entre deux pédicules vasculaires verticaux: en arrière, l’aorte et la veine cave inférieure, en avant l’artère et la veine mésentériques supérieures. La quatrième portion, courte, verticale, située à gauche de la ligne médiane, se coude brutalement pour se raccorder avec le jéjunum; cette jonction, ou angle duodéno-jéjunal, est fixée au rachis par le muscle de Treitz.

Le jéjunum et l’iléon forment l’intestin grêle mobile. C’est un tube de 2 à 3 cm de diamètre. Du fait de sa longueur, celui-ci se replie sur lui-même, dessinant des anses en U. Les premières anses, à peu près horizontales, se tassent dans la partie gauche de l’abdomen (fig. 3) sous le côlon transverse et son méso; elles forment le jéjunum. Les dernières anses, verticales, plongent par leur sommet dans le petit bassin. On appelle iléon terminal la partie distale de l’intestin grêle; elle s’abouche dans le côlon droit par la valvule de Bauhin.

La structure de l’intestin grêle fait différencier quatre tuniques (fig. 7 a) depuis la cavité centrale ou «lumière intestinale» qui fait partie du monde extérieur, jusqu’au péritoine qui relie l’intestin au reste du corps: la plus profonde, la muqueuse, dessine des replis transversaux, les valvules conniventes; chacune est hérissée de très fines saillies coniques, les villosités. La villosité comprend un axe conjonctif et vasculaire (fig. 7 b); l’épithélium qui le tapisse est formé de hautes cellules, siège de l’absorption intestinale (fig. 7 c et d). Il faut noter que la villosité contient une veinule portale et un vaisseau lymphatique, le chylifère; celui-ci résorbe surtout les graisses. La sous-muqueuse contient, au sein d’un tissu conjonctif lâche, des vaisseaux et un plexus nerveux autonome, le plexus sous-muqueux de Meissner (fig. 7 a). Il existe une tunique musculaire lisse, formée de deux couches, circulaire en profondeur, longitudinale en surface; entre les deux s’interpose le plexus myentérique d’Auerbach; il est formé de fibres nerveuses végétatives et de cellules ganglionnaires; ces cellules nerveuses intrapariétales contrôlent la motricité automatique de l’intestin grêle. En effet, le grêle est animé de mouvements péristaltiques, véritables ondes de contraction qui progressent toujours dans le même sens, vers le gros intestin. La dernière tunique est le péritoine.

Le jéjuno-iléon, revêtu de séreuse, est relié à la paroi abdominale postérieure par un long repli péritonéal à deux feuillets, le mésentère, qui contient de la graisse et des vaisseaux. Ceux-ci sont représentés par l’artère mésentérique supérieure, la veine satellite, affluent de la veine porte, par des vaisseaux et ganglions lymphatiques, enfin par un plexus nerveux végétatif périartériel.

La fonction de l’intestin grêle est capitale dans la digestion: une résection subtotale, qui ne ménage que le duodénum et la première anse jéjunale, est incompatible avec la survie et exige une alimentation artificielle: l’alimentation parentérale totale.

La pathologie de l’intestin grêle est riche: il existe des affections microbiennes, comme la fièvre typhoïde, qui se localise électivement dans des îlots lymphoïdes de l’iléon, les plaques de Peyer; des entérites variées, en particulier à staphylocoques, à salmonelles ou le choléra; une affection sévère, l’infarctus intestinal, par oblitération de l’artère mésentérique supérieure; des affections chirurgicales, par exemple l’occlusion de l’intestin grêle sur bride, ou dans le sac d’une hernie, l’invagination de l’iléon dans le côlon droit; les perforations traumatiques, etc.

Le gros intestin (ou côlon)

D’une longueur de 1,20 m environ, disposé en cadre à la périphérie de l’abdomen, le côlon (diamètre 6 à 8 cm) est caractérisé par l’existence de bosselures sur sa paroi. Il comprend plusieurs segments, alternativement libres et accolés (fig. 3).

Le côlon droit , ou ascendant, large de 6 à 8 cm, débute par une poche non accolée, le cæcum, qui se situe en contrebas de la jonction iléo-colique. Sur son versant interne s’implante un long prolongement de petit calibre, l’appendice. Le cæcum et l’appendice occupent la fosse iliaque droite. La partie sus-jacente du côlon droit est accolée (fascia de Toldt droit) et monte verticalement, en avant des muscles iliaque et carré des lombes.

Le côlon transverse se dirige de droite à gauche. Il succède au côlon droit, selon un angle assez ouvert, angle droit ou hépatique, recouvert par le lobe droit du foie et accolé au pôle inférieur du rein droit. La portion initiale du transverse est accolée à la seconde portion du duodénum. Puis le côlon s’éloigne peu à peu de la paroi postérieure. Il est relié au bord inférieur du corps du pancréas par un long repli péritonéal, le mésocôlon transverse, qui subdivise la cavité abdominale en deux étages: un étage supérieur, sus-mésocolique, loge les viscères pleins, le foie, la rate et l’estomac; un étage inférieur, sous-mésocolique, est occupé par les anses grêles. La partie mobile du côlon transverse longe la grande courbure de l’estomac, jusqu’au pôle inférieur de la rate; à ce niveau, le gros intestin se coude à angle aigu, angle gauche ou splénique, et se continue par le côlon gauche.

Le grand épiploon, repli péritonéal issu de la grande courbure gastrique, prend appui sur le côlon transverse et le déborde en bas (tablier épiploïque) pour recouvrir en avant les anses de l’intestin grêle.

Le côlon gauche , d’assez petit calibre (4 à 5 cm) est décrit de façon variable; il comprend de haut en bas trois portions: lombaire, iliaque et pelvienne.

Le côlon lombaire descend verticalement, longeant le bord externe du rein gauche; le côlon iliaque traverse en diagonale la fosse iliaque interne gauche. Tous deux sont accolés en fascia de Toldt gauche. Le côlon sigmoïde ou pelvien, libre, long de 40 à 80 cm, dessine une anse qui dirige sa convexité en haut et en avant. Né au niveau du rebord gauche du petit bassin, il se dirige à droite, puis plonge dans la cavité pelvienne, et se termine sur la ligne médiane postérieure, en regard de la troisième vertèbre sacrée. Il présente des rapports avec l’intestin grêle et le segment péritonisé des viscères pelviens, vessie, utérus, rectum.

La structure du côlon rappelle celle du grêle; cependant, la muqueuse est dépourvue de villosités et contient de nombreuses cellules lymphoïdes. La musculeuse possède une couche longitudinale discontinue, formant des bandelettes, trois sur le côlon droit et deux sur le côlon gauche. Le côlon a pour fonction essentielle la résorption de l’eau et des sels minéraux. Il possède une flore microbienne extrêmement riche, avec deux variétés de germes, ceux de la fermentation des hydrates de carbone et ceux de la putréfaction. Leur présence équilibrée, à l’état de saprophytes, est utile pour la digestion des résidus alimentaires et pour certaines synthèses. Cette flore, lorsqu’elle est détruite par l’administration prolongée de certains antibiotiques, doit être reconstituée.

Les affections coliques sont très variées: appendicite aiguë, colites parasitaires (amibes), infectieuses (salmonelloses), diverticulose, sigmoïdites, cancers du côlon, volvulus du sigmoïde, polypes du côlon et du rectum, etc. L’opacification par lavement baryté permet une exploration courante du côlon et du rectum.

Le rectum

Le rectum est la partie inférieure du tube digestif. Long de 15 cm, le rectum aligne deux portions bien différentes, séparées l’une de l’autre par un muscle, le releveur de l’anus. La partie supérieure ou pelvienne , partiellement péritonisée, est une dilatation, l’ampoule rectale, large, qui succède au côlon sigmoïde. Elle se situe devant le sacrum, en arrière de la vessie et de la prostate chez l’homme, de l’utérus et du vagin chez la femme. Sur le versant antérieur de l’ampoule se localise le point déclive de la grande cavité péritonéale, ou cul-de-sac de Douglas, situé entre le rectum et la vessie chez l’homme, le rectum, le vagin et l’utérus chez la femme. La partie inférieure ou périnéale , étroite, courte (3 cm), est entourée par un épais anneau musculaire strié, le sphincter de l’anus, qui s’ouvre au moment de la défécation. L’orifice anal occupe la partie postérieure du périnée, en arrière de l’orifice vulvaire chez la femme. Le rectum, à part un très court segment, n’est pas péritonisé. La muqueuse dessine, à l’étage périnéal, des reliefs verticaux, les colonnes, et des replis à la base de celles-ci, les valvules de Morgagni.

Le côlon droit est vascularisé par le pédicule de l’intestin grêle: l’artère mésentérique supérieure fournit une branche iléo-cæcocolique pour le cæcum et l’angle droit du côlon. Le rectum est vascularisé en grande partie par l’artère mésentérique inférieure qui, au préalable, a donné des branches au côlon gauche. On appelle arcade de Riolan une anastomose tendue entre les deux artères mésentériques, dans l’épaisseur du mésocôlon transverse. Le rectum possède une vascularisation d’appoint par l’artère hypogastrique.

Les veines satellites des artères mésentériques sont drainées vers le foie par la veine porte. Les veines inférieures du rectum sont tributaires de la veine hypogastrique, donc de la circulation cave inférieure. Elles dessinent, au niveau de la sous-muqueuse du canal anal, des pelotons parfois dilatés en hémorroïdes. On explore le rectum par la palpation (toucher rectal), par endoscopie ou rectoscopie, et par lavement baryté.

Parmi les affections du rectum, il faut citer la recto-colite hémorragique, le cancer du rectum, les polypes; il s’y ajoute toute la pathologie anale, dont les hémorroïdes.

2. Physiologie digestive chez l’homme

Motricité digestive

On accepte aujourd’hui l’idée que la motricité du tube digestif n’est jamais en repos: elle est active 24 heures sur 24, mais elle fonctionne différemment, à jeun, quand le tube digestif ne contient que les liquides sécrétés par les glandes et, pendant les phases post-prandiales, quand il contient des aliments en cours de digestion.

À jeun

À jeun : on observe le complexe myoélectrique interdigestif . C’est une onde péristaltique vraie: elle naît dans l’estomac et se propage progressivement tout le long de l’intestin grêle jusqu’au cæcum; les voies biliaires participent à cette onde. Elle a une particularité: elle est unique, c’est-à-dire qu’il ne peut y avoir deux ondes péristaltiques au même moment en deux endroits séparés du tube digestif. L’onde met environ 90 minutes pour parcourir de haut en bas l’estomac et l’intestin; quand au bout de 90 minutes l’onde a atteint le cæcum où elle meurt, une nouvelle onde commence dans l’estomac. L’activité motrice gastrique est stimulée par la secrétion d’une hormone, la motiline , qui contrôle la fréquence du complexe myoélectrique. Dès que l’on mange, l’apparition de la première bouchée d’aliments dans l’intestin interrompt l’onde en cours de déplacement. Une nouvelle organisation motrice apparaît: celle de la phase postprandiale.

Motricité postprandiale

Les faits classiques

L’entrée des aliments dans le tube digestif commence par un acte volontaire: la mastication et la déglutition, mais, dès son entrée dans l’œsophage, la bouchée alimentaire subit un déplacement échappant complètement à notre volonté jusqu’à la défécation. Deux sphincters (anneaux musculaires systématiquement fermés et dont l’ouverture n’obéit qu’à des ordres spéciaux) ferment le tube digestif à ses deux extrémités: le sphincter cricopharyngien, en haut de l’œsophage, et le sphincter anal, après le rectum.

Mais, dans l’intervalle, la progression des aliments résulte d’un mouvement de propulsion assuré par les muscles lisses de la paroi du tube digestif, qui sont disposés en deux couches: une couche profonde, circulaire, car elle est formée de fibres annulaires, et une couche superficielle, composée de fibres longitudinales juxtaposées. Le péristaltisme résulte d’une onde de contraction, que précède une zone de distension, lesquelles se propagent le long de cette double couche musculaire. Le plus souvent, les fibres se contractent au contact direct des aliments, mais le déplacement de l’onde contractile dépend de l’organisation du système nerveux intrinsèque du tube digestif (plexus myentériques).

Diverses méthodes ont permis de mesurer chez l’homme la chronologie de ces événements: la traversée de l’œsophage demande quelques secondes, les contractions de l’estomac commencent quelques minutes après et se poursuivent régulièrement jusqu’à ce que l’organe soit vide. Hunt, un physiologiste anglais, a mesuré que la quantité d’aliments quittant l’estomac à chaque contraction est proportionnelle à la quantité globale contenue dans l’organe. Il faut environ une heure pour que l’estomac se vide de la moitié de son contenu, et encore une heure pour qu’il se vide de la moitié du reste.

À la radiographie (fig. 4, 5, 6), on voit très bien la descente du bol alimentaire dans l’œsophage et les contractions péristaltiques de l’estomac. La radiocinématographie permet de voir les déplacements du bol dans l’intestin grêle, mais les contractions péristaltiques y sont moins régulières, moins systématiques que dans l’étage supérieur.

La vitesse dans l’intestin grêle est de l’ordre de 2 cm par minute, si bien qu’il faut 3 à 4 h pour que les reliquats du bol alimentaire atteignent la valvule iléo-cæcale qui marque la frontière entre le petit et le gros intestin. La progression dans le côlon est beaucoup plus lente (environ 20 h pour parcourir 1 m de longueur), faite de mouvements de brassage sur place, de progressions et de régressions, avant que le résidu n’atteigne la charnière recto-sigmoïdienne, où il provoque la défécation ; celle-ci est un réflexe acquis par l’éducation; elle est déclenchée par une sensation de plénitude rectale; elle met en jeu la motricité colique, qui assure la progression, la musculature abdominale, qui, en se contractant, augmente la pression à l’intérieur du ventre, et le sphincter anal, qui se relâche. Des études faites avec des substances particulières ont permis de déterminer le temps qui sépare l’ingestion des aliments de la défécation des résidus; ce temps est en moyenne de 15 à 30 h, mais à ce moment 10 à 20 p. 100 des résidus seulement sont rejetés. Par suite des freinages, des mélanges se produisant à divers étages du tube digestif, il faut 3 à 7 jours pour éliminer 95 p. 100 des résidus.

Si la commande de la motricité intestinale est essentiellement sous la dépendance du contact des aliments et de l’innervation intrinsèque, elle n’en subit pas moins diverses influences. Un nerf (le pneumogastrique) et son médiateur chimique (l’acétylcholine) activent la motricité. D’autres nerfs du système sympathique, dont le médiateur est l’adrénaline, la ralentissent. La nicotine a une action complexe, elle augmente les contractions de l’estomac et de l’intestin grêle, elle relâche celles du côlon. Le potassium est nécessaire à la contraction, et la baisse du potassium du plasma entraîne la paralysie intestinale. Des hormones agissent aussi sur la motricité: la sérotonine (cf. infra ) accélère considérablement la motricité intestinale. Des facteurs plus complexes peuvent intervenir, mettant en jeu le système nerveux dans son ensemble; c’est le cas notamment de la diarrhée due aux émotions fortes ou à certains réflexes conditionnés.

Les faits depuis 1970

Dans tout ce qui vient d’être décrit, selon des conceptions qui avaient cours jusqu’en 1978 environ, on considérait le repas comme un tout; c’était à l’ensemble des aliments que l’on prêtait la progression qui vient d’être décrite. Deux méthodes développées après 1970 ont entraîné de profonds changements en établissant que chaque type d’aliment se comporte différemment du voisin, même à l’intérieur d’un repas bien mélangé.

De ces deux méthodes, l’une consiste à incorporer dans chaque aliment un isotope radioactif particulier qui le marque (fig. 9); on contrôle ensuite, à l’aide d’une gamma-caméra, le devenir de l’aliment marqué pendant toute sa digestion. L’autre est beaucoup plus complexe: elle repose sur la mise en place, dans le tube digestif, de tubes plastiques souples et fins qui permettent le recueil d’échantillons pendant toute la durée de la digestion, aussi bien dans l’estomac que dans le duodénum, le jéjunum et même l’iléon. Des marqueurs spéciaux sont là encore nécessaires pour repérer chaque aliment.

À l’aide de ces deux méthodes que voit-on? Tout d’abord un fait global qui avait échappé précédemment: la digestion dure bien plus longtemps qu’on ne le pensait. Certes, les premières bouchées parcourent beaucoup plus vite l’intestin qu’on ne le croyait. C’est une demi-heure environ après le début du repas que l’iléon reçoit du chyme alimentaire (au lieu des 3 à 4 h indiquées plus haut selon la méthode radiologique). Ensuite la digestion de chaque repas dure 4 à 6 heures, voire plus, si bien que le tube digestif travaille en réalité 14 à 18 h par jour (il n’est vraiment au repos que pendant la deuxième moitié de la nuit). Le deuxième fait important est le rôle primordial de l’estomac comme régulateur des calories. Il contrôle la vidange (et donc la digestion) non seulement du repas mais de chaque constituant du repas (cf. chap. 3: les fonctions digestives au cours de la digestion d’un repas).

Troubles de la motricité

Le vomissement, contrairement à l’opinion courante, n’est pas dû à un trouble de la motricité digestive, la musculature abdominale y joue le rôle moteur principal. La constipation est due à une perte du réflexe de défécation; comme ce réflexe est acquis par l’éducation, la constipation est généralement liée à de mauvaises habitudes (lutte volontaire contre le réflexe pour des raisons diverses), si bien que peu à peu on en arrive même à perdre la perception consciente du besoin. Mais il est des constipations plus directement déterminées par un trouble de la commande nerveuse de la motricité: celles du mégacôlon congénital (maladie de Hirschsprung), qui est une aganglioneurose de la charnière recto-sigmoïdienne.

Les troubles de la motricité à divers étages du tube digestif sont souvent dus à des obstacles mécaniques: sténose du pylore, occlusion du grêle par strangulation, occlusion du côlon par une tumeur ou par torsion.

Quant à la diarrhée, elle obéit à des mécanismes complexes, l’accélération de la motricité n’étant qu’un facteur parmi d’autres; elle joue un rôle primordial dans la diarrhée émotive, qui est fréquente, dans la diarrhée par tumeur endocrine (productrice de sérotonine, de prostaglandine), qui est exceptionnelle.

Transformations physico-chimiques des aliments

La digestion des aliments est un acte complexe qui met en jeu un très grand nombre de mécanismes, où les lois de la chimie et de la physique se partagent les principaux rôles.

Considérés sous l’angle de la diététique, les aliments sont un mélange d’eau, de sels (de sodium, de potassium, de calcium, de fer), de vitamines et de trois types de substances organiques: les hydrates de carbone, ou glucides; les protéines; les lipides, qui sont des molécules composites volumineuses où se trouvent associées chimiquement des substances plus simples (sucres, acides aminés, acides gras). La nature des liens qui unissent ces chaînons organiques à l’intérieur des macromolécules protéiques, lipidiques ou glucidiques, leurs propriétés physico-chimiques, et notamment leurs caractères de solubilité, posent aux fonctions digestives autant de problèmes chimiques très particuliers. La tâche de la digestion est la démolition systématique et complète de toutes les macromolécules, par des hydrolyses successives, car le corps ne sait utiliser que leurs constituants les plus simples. Pour ce faire, le tube digestif emploie des enzymes qui se trouvent dans les diverses sécrétions digestives; on rappellera que ce sont des biocatalyseurs accélérant à basse température l’hydrolyse des macromolécules alimentaires. Chaque sécrétion constitue en outre le milieu le plus approprié à l’action de ces enzymes. On trouvera dans le tableau 1 la composition des divers enzymes, le nom des aliments sur lesquels ils agissent, le produit de leur action.

Destinée des principaux types d’aliments simples

Très schématiquement, la digestion des aliments s’effectue de la manière suivante. Les hydrates de carbone , dont le principal est l’amidon, sont attaqués par la ptyaline c’est-à-dire l’amylase salivaire, puis par l’amylase pancréatique, qui produisent d’abord les dextrines puis le maltose. Il pourrait sembler que la ptyaline salivaire ne joue qu’un faible rôle, les aliments restant si peu de temps dans la bouche. En fait, pendant qu’ils séjournent dans l’estomac, la ptyaline poursuit son œuvre, si bien que 20 à 40 p. 100 des hydrates de carbone sont digérés par elle; le reste l’est par l’enzyme pancréatique dans l’intestin.

La cellulose (des salades, des cosses de haricots verts) est réfractaire aux enzymes humains; il faut la collaboration des microbes intestinaux pour en venir partiellement à bout: si bien que sa digestion se produit avant tout dans le côlon droit (cf. chap. 3).

Les protéines subissent d’abord l’attaque de la pepsine dans le milieu acide de l’estomac. L’enzyme fragmente les grosses molécules protéiques en ensembles plus petits, mais encore de taille respectable: les albumoses et les peptones. Les sucs pancréatiques et intestinaux achèvent le travail; la trypsine pancréatique réduit les albumoses et les peptones en des polypeptides de trois à cinq acides aminés; le suc intestinal sépare les polypeptides et les dipeptides en acides aminés et détruit les acides nucléiques. Là encore, l’action des sucs digestifs est loin d’être homogène. Le suc gastrique n’est pas nécessaire à la digestion des protéines bien cuites; les fibres musculaires sont attaquées assez bas dans l’intestin; la kératine (constituant des poils) et l’élastine résistent à l’action des sucs intestinaux et pancréatiques.

Les lipides ne subissent leur première attaque que lorsqu’ils arrivent dans le duodénum: mais aussitôt, ils sont l’objet de transformations profondes. Les lipides sont insolubles dans l’eau, or le milieu intestinal est un milieu aqueux. Les lipides ne peuvent donc être digérés que si un interface efficace est créé entre eux-mêmes et le milieu aqueux. C’est le rôle des sels biliaires qui s’interposent entre les graisses et l’eau, permettant la formation d’une émulsion graisseuse. La lipase pancréatique peut alors attaquer le corps gras et détacher les acides gras. Mais, fait curieux, lorsque la graisse neutre a perdu deux acides gras et est devenue un monoglycéride, il se crée alors de nouvelles conditions de solubilité, entraînant la formation de gouttelettes graisseuses encore plus fines que celles de l’émulsion primitive, les micelles, où s’achève la digestion des lipides, toujours sous l’action de la lipase pancréatique. La lipase n’agit qu’en présence d’une autre molécule produite aussi par le pancréas, la colipase.

Commande des sécrétions digestives

Ainsi, le tube digestif produit lui-même les produits chimiques capables de détruire les structures moléculaires les plus complexes. Une question s’impose alors à l’esprit: cette production est-elle permanente ou obéit-elle à des ordres particuliers?

Chez l’homme, le système est bien réglé: les sécrétions digestives n’interviennent que lorsqu’on en a besoin, c’est-à-dire au cours et à la suite de chaque repas et pour les 3 à 6 heures que dure la digestion. L’estomac produit le suc gastrique, liquide très acide, riche en acide chlorhydrique, contenant un enzyme très actif: la pepsine. On sait, depuis Pavlov, que la sécrétion de l’estomac obéit notamment à des réflexes conditionnés dont l’influx est transmis par le pneumogastrique. Chez un chien porteur d’une fistule gastrique, la simple vue d’un aliment agréable le fait non seulement saliver, mais aussi sécréter du suc gastrique. Si l’on coupe les nerfs pneumogastriques de ce chien, la vue du repas ne produit plus aucun effet. Depuis 1960, une place de plus en plus importante est attribuée à des hormones, produites par le tube digestif lui-même. Par exemple, la partie la plus basse de l’estomac (antre) est sensible au contact des aliments et peut apprécier leur acidité. S’ils ne sont pas assez acides, une hormone (la gastrine) est libérée et va exciter les cellules productrices d’acide chlorhydrique gastrique, de façon qu’elles produisent davantage. Si les aliments deviennent trop acides, le système se freine de lui-même (ou peut-être par l’intervention d’une autre hormone).

De la même manière, le duodénum joue un peu plus bas un rôle essentiel dans la commande des sécrétions nécessaires à la digestion dans l’intestin. Le contact des aliments libère de la muqueuse duodénale la cholécystokinine qui contracte la vésicule biliaire et fait arriver de la bile ; de même est mise en jeu la sécrétine, qui excite le pancréas et entraîne la sécrétion pancréatique apportant dans l’intestin une grande quantité d’eau bicarbonatée. La pancréozymine libère les enzymes (trypsine, lipase, amylase, etc.) produits dans les cellules du pancréas. Les enzymes intestinaux ont une destinée plus curieuse. Ils sont produits par les cellules intestinales. La plupart d’entre eux restent fixés aux poils qui tapissent l’extérieur de la membrane cellulaire. Les autres, les enzymes intra-cellulaires, suivent le même sort que les cellules intestinales elles-mêmes. Celles-ci sont emportées dans le flux d’aliments qui parcourent le tube digestif; elles éclatent et libèrent leurs enzymes nécessaires à la digestion. Cette remarque est l’une des plus intéressantes que l’on puisse faire: les cellules qui tapissent notre muqueuse intestinale vivent et meurent en 2 à 5 jours. On peut dire, sans exagérer, qu’on change d’intestin tous les deux jours. On a calculé que le renouvellement de ces cellules impose à notre organisme de produire une quantité de protéines équivalant à 10 g de viande chaque jour.

Protection de la muqueuse digestive

Reste la question: comment le tube digestif se protège-t-il lui-même contre l’effet nocif de ses propres sécrétions? Il est classique de répondre que le tube digestif se protège grâce au revêtement de mucus qui recouvre sa surface. Le mucus est une substance polymérisée contenant des glycoprotéines formant un gel; il est constitué de chaînes de glucose, de fructose, de glucosamine et d’acide sialique; cette structure s’apparente aux revêtements plastiques; sa résistance chimique est considérable. Il est produit par des cellules spéciales, les cellules à mucus, qui sont soumises à une agression constante; elles se défendent par le mécanisme de cytoprotection.

Absorption

L’eau, les sels minéraux et les produits organiques simples obtenus après l’hydrolyse des macromolécules alimentaires peuvent être absorbés; mais ce passage, qui est l’acte final (et le plus nécessaire) de la digestion, reste encore un des plus mystérieux (cf. MEMBRANES CELLULAIRES et MEMBRANES [transferts]).

L’intestin grêle est un tube de 4 à 6 m de long, de 2 cm de diamètre, soit d’une surface de 0,25 m2. À l’intérieur de ce cylindre, des replis forment des valvules conniventes dont l’existence augmente de trois fois la surface disponible. Sur ces valvules conniventes, la muqueuse se dispose selon une série de plissements, appelés villosités (fig. 7). L’existence de ces villosités fait que la surface de la muqueuse est dix fois plus grande que la surface des valvules conniventes et trente fois plus grande que celle du conduit musculaire. Enfin, les cellules de la muqueuse portent, au niveau de la membrane qui baigne dans la lumière intestinale, la bordure en brosse. La microscopie électronique a montré que cette bordure est faite de replis successifs, les microvillosités (il existe environ six cents microvillosités par cellule, ce qui multiplie par vingt la surface disponible à la face externe de la muqueuse). Il résulte de tout cela que la structure de l’intestin grêle est dominée par un système ayant pour but d’accroître de façon considérable la surface utilisable, celle-ci étant finalement de l’ordre de 200 m2 chez l’homme. Précisons que la répartition de ces divers dispositifs n’est pas uniforme sur toute la longueur de la lumière intestinale, si bien que la surface du jéjunum est trois fois plus grande que celle de l’iléon, alors que la longueur en est à peu près identique.

L’importance de ces facteurs de surface dans l’absorption intestinale est encore accrue par le fait que les mouvements de brassage, assurés de façon permanente par les muscles de la couche circulaire intestinale, favorisent le contact entre ces multiples replis de la surface et le bol alimentaire. Du fait de ces mouvements, les plus fines gouttelettes de particules alimentaires digérées peuvent se glisser entre les diverses digitations des microvillosités, et ainsi entrer en contact avec la partie la plus intime de la membrane de la cellule intestinale.

Les sucres

Les sucres sont solubles dans l’eau, ils traversent la cellule intestinale et on les retrouve dans le sang de la veine porte. On distingue deux types de sucres d’après la manière dont ils franchissent la barrière de la cellule intestinale.

– Les sucres qui sont absorbés d’une manière passive; c’est un simple phénomène de diffusion, la cellule n’y joue qu’un rôle limité. Elle intervient cependant pour produire le phénomène appelé «diffusion facilitée».

– Les sucres qui sont absorbés d’une manière active, c’est-à-dire ceux que la cellule intestinale peut prélever dans l’intestin à une concentration plus faible qu’elle ne l’est dans le sang; le type de ces sucres est le glucose, mais l’absorption du galactose est encore plus rapide et plus efficace que ne l’est celle du glucose. Il existe pour ces sucres un «transporteur» spécial, qui prend le sucre d’un côté et le rejette de l’autre. Ce «transporteur» est actionné par le passage de sodium d’un côté à l’autre de la membrane. C’est l’énergie liée au transport du sodium qui conditionne le travail «actif» de la cellule. La capacité d’absorption de la muqueuse intestinale vis-à-vis des sucres est cependant considérable puisque, chez l’homme, elle peut absorber jusqu’à 3,6 kg de sucre par 24 h.

Les corps gras

Les graisses sont insolubles dans l’eau, mais la digestion laisse les lipides sous forme de micelles composées d’acides gras, de monoglycérides et de sels biliaires. On les retrouve de l’autre côté de la cellule intestinale sous forme de nouvelles gouttelettes graisseuses, les chylomicrons, mais celles-ci circulent dans la lymphe et non dans le sang. L’absorption intestinale proprement dite commence par la pénétration des micelles entre les digitations des microvillosités de la muqueuse intestinale. Là, elles se fondent littéralement dans la membrane de la cellule intestinale, qui est elle-même de structure lipidique. Cette dissolution s’accompagne d’un rejet de sels biliaires dans la lumière intestinale où ils sont disponibles pour solubiliser de nouvelles gouttelettes de graisse.

Dans la cellule intestinale, par contre, les acides gras absorbés reforment peu à peu une gouttelette de graisse, qu’on voit grossir au microscope électronique et se diriger lentement vers le fond de la cellule, d’où elle sort pour pénétrer dans le circuit lymphatique. Le métabolisme actif de la cellule intestinale joue certainement un rôle important dans le développement de cette gouttelette (tabl. 2).

Les protéines et les acides aminés

De nombreuses expériences ont été faites pour savoir si les protéines pouvaient être absorbées comme telles avant d’avoir été attaquées par les sucs digestifs. Il apparaît que ce processus ne peut se produire que pour certaines albumines (albumines humaines, ovalbumines et lactalbumines) et chez les très jeunes enfants; mais, chez l’adulte, l’hydrolyse des protéines a toujours lieu avant l’absorption. Les acides aminés libérés par cette hydrolyse sont absorbés et passent dans le sang de la veine porte. Deux faits doivent être particulièrement retenus: les acides aminés naturels qui se trouvent le plus souvent sous la forme l sont plus rapidement absorbés que les mêmes acides aminés sous la forme d ; d’autre part, l’absorption de ces acides aminés sous la forme l s’effectue généralement sous l’influence d’un processus actif proche de celui qui caractérise l’absorption des sucres.

L’eau et les électrolytes

L’absorption de l’eau et des principaux électrolytes (sodium, potassium et chlore) résulte d’un phénomène complexe. En effet, cette absorption traduit, en réalité, la différence d’un flux bidirectionnel: pendant qu’une certaine quantité d’eau et d’électrolytes se dirige de la lumière intestinale vers le sang (insorption), une autre quantité d’eau et d’électrolytes se dirige du plasma vers la lumière intestinale (exsorption). C’est lorsque l’insorption dépasse l’exsorption que l’on constate une absorption. De toute façon, ces deux mouvements, insorption et exsorption, sont beaucoup plus importants que la résultante: l’absorption (fig. 8). D’autre part, il semble que le mouvement le plus considérable et le plus rapide s’observe pour l’eau, puis pour le sodium, le chlore, enfin pour le potassium.

L’absorption du chlore et du potassium semble être toujours un phénomène passif. Celle du sodium est pour partie un phénomène passif de simple diffusion, pour une autre partie un transport actif. Là encore, le processus d’absorption active engage les mécanismes de production d’énergie de la cellule intestinale, et l’un des résultats est la production d’un courant électrique qui se mesure sous forme d’une faible différence de potentiel entre les deux faces de la muqueuse.

Le transport du sodium et du chlorure de sodium met en jeu plusieurs systèmes enzymatiques (l’ATPase Na-K dépendante, l’adénylate cyclase, la calmoduline) et il existe plusieurs schémas explicatifs. Ces théories sont d’une grande importance, car l’origine des diarrhées y trouve son explication. Dans cet ordre d’idées on peut dire que le choléra a fait faire de grands progrès à nos connaissances dans ce domaine.

D’une façon générale, on considère que le phénomène le plus important est le transport actif du sodium. Il serait à l’origine de tous les autres: eau, électrolytes, sucres et même acides aminés.

Le processus d’absorption du calcium est aussi un phénomène actif qui survient principalement dans le duodénum et dans la portion supérieure du jéjunum. Ce processus est augmenté grâce à la vitamine D. Une partie seulement du calcium alimentaire est absorbée par l’intestin, le reste est éliminé dans les fèces. Les selles contiennent toujours, en plus, une certaine quantité de calcium éliminé à travers la muqueuse intestinale et les sécrétions digestives.

Le fer est principalement absorbé par le duodénum grâce à un transporteur spécial, la ferritine.

L’eau, base de nos boissons, est très facilement absorbée, car elle diffuse aisément à travers la membrane intestinale.

Tout dépend de la concentration des substances qui y sont dissoutes. L’eau pure passe instantanément, une solution faiblement concentrée aussi; lorsque la solution est trop concentrée, le phénomène commence par une sécrétion d’eau en provenance du corps, qui dilue la solution, puis ensuite l’eau est réabsorbée au fur et à mesure que les molécules dissoutes sont elles-mêmes absorbées.

Les vitamines

Vitamines hydrosolubles

Les informations qu’on possède sur les mécanismes d’absorption des vitamines hydrosolubles sont très variables selon les vitamines. La vitamine B1 est absorbée par un processus actif, dont les capacités sont très limitées (au maximum 5 mg par jour). La vitamine B2 est absorbée à un certain pourcentage relativement constant de la quantité ingérée. L’acide folique est absorbé sous la forme libre et se retrouve ainsi dans le sang. Les vitamines B1, B2, l’acide pantothénique et l’acide folique sont, pour une grande partie, synthétisés par la flore bactérienne intestinale.

L’absorption de la vitamine C est extrêmement rapide et la capacité de l’absorption de l’intestion grêle pour cette vitamine est considérable (plusieurs grammes par jour).

La vitamine B12 est absorbée selon un mécanisme très complexe. On sait que le «facteur intrinsèque» gastrique est nécessaire à cette absorption. De toute façon, les mécanismes intestinaux qui régissent l’absorption de la vitamine B12 se trouvent localisés uniquement dans l’iléon. Ces mécanismes sont très vite saturés, puisque l’absorption maximale de l’intestin est de un gamma par jour.

Vitamines liposolubles

La vitamine A se retrouve principalement dans la lymphe et son mécanisme d’absorption est parallèle à celui des graisses. Néanmoins, il semble que l’absorption soit plus rapide lorsque la vitamine A est donnée sous la forme d’une émulsion dans l’eau plutôt que lorsqu’elle est donnée en solution dans l’huile. Le carotène est absorbé selon des règles voisines. Mais c’est à l’intérieur de la muqueuse intestinale qu’il est transformé en vitamine A. Les vitamines D, E et K sont absorbées comme les graisses par la voie lymphatique.

Les mécanismes qui interviennent dans l’absorption intestinale sont donc extrêmement divers. Il apparaît que, pour la majeure partie des aliments, l’absorption se produit dans la moitié supérieure de l’intestin grêle (la vitamine B12 et les sels biliaires étant, quant à eux, exclusivement absorbés par l’iléon).

Des différences quantitatives existent aussi entre les divers aliments et méritent d’être notées. C’est ainsi qu’on a pu apprécier la capacité maximale d’absorption intestinale par jour chez l’homme; le tableau 3 indique les importantes variations observées d’un corps à l’autre.

Les hormones digestives

C’est vers 1930 que l’on a commencé à parler d’hormones digestives: on savait que l’extrait de muqueuse duodénale, injecté par voie sanguine, faisait contracter la vésicule biliaire, sécréter le pancréas, inhibait la sécrétion gastrique. Par ailleurs, on soupçonnait l’existence d’une hormone faisant sécréter l’estomac. On l’appelait la gastrine, mais pour beaucoup ce n’était qu’un fantôme.

Il fallut attendre 1963, date de la synthèse de la gastrine, pour que les hormones digestives acquièrent droit de cité... Mais alors, quelle explosion! On en connaît au moins une trentaine; certaines sont strictement digestives, d’autres communes à plusieurs organes, notamment au cerveau. Certaines sont des hormones classiques, agissant à distance par voies circulantes, d’autres sont des hormones «locales» (paracrines) agissant sur des cellules situées dans leur environnement: la cellule endocrine étant reliée à la cellule-cible par un fin canal, d’autres enfin sont «peptidergiques» c’est-à-dire qu’elles agissent par l’intermédiaire des fibres nerveuses.

Toutes les hormones digestives (sauf les prostaglandines) sont des peptides de petite taille, composées d’un nombre variable mais limité d’acides aminés. Au laboratoire, on arrive à produire avec celles-ci des anticorps qui permettent leur dosage par la méthode radio-immunologique. Elles sont produites par douze types de cellules endocrines, généralement isolées, disséminées au milieu des autres cellules de la muqueuse digestive depuis l’estomac jusqu’au côlon. Cette disposition (au milieu de la muqueuse) leur permet d’entrer en contact avec leurs stimulants, les aliments, soit lorsque ceux-ci passent devant elles, avec le chyme alimentaire, soit lorsqu’ils sont absorbés et traversent la muqueuse. Certaines cellules (cinq types) se trouvent dans le pancréas et leur stimulation se fait en deux temps: à l’aide d’un «signal» lui-même activé par le passage des aliments dans ce tube digestif.

Les hormones digestives ont une durée de vie extrêmement brève, mais elles sont renouvellées instantanément, d’autant plus que la digestion est plus active.

Afin de ne pas alourdir ce chapitre (d’ailleurs en renouvellement constant) la figure 8 et le tableau 4 indiquent l’essentiel de ce qu’il faut connaître au sujet des hormones digestives.

3. Digestion d’un repas

Tous les chapitres précédents reposaient sur une conception classique de la physiologie: chaque fonction était étudiée séparément en la stimulant ou en l’inhibant par des méthodes aussi spécifiques que possible. Mais lorsqu’on mange, digère et absorbe un repas, il n’est plus question de séparer les fonctions, c’est le tube digestif tout entier qui travaille, répondant à des stimuli précis, interagissant entre eux. Nos connaissances sur ce sujet se sont développées autour de l’année 1980 à l’aide des deux méthodes décrites plus haut (fig. 9). Nous allons en rappeler brièvement les acquis.

La vidange gastrique des différents composants du repas

Cas des boissons

Lorsqu’on boit entre les repas, l’estomac étant supposé vide, que se passe-t-il?
1) Le liquide est évacué par l’estomac, plus ou moins vite selon la nature de la boisson: un verre d’eau en moins d’une demi-heure; le café naturel ou décaféiné, le thé, le Coca-Cola, le Seven-Up, la bière en moins d’une heure; le lait et les bouillons de viande en une heure et demie et les boissons très sucrées en près de deux heures.
2) L’estomac répond à la présence de l’aliment qui se trouve éventuellement dans la boisson par une sécrétion acide. L’eau, les boissons très sucrées ne déclenchent presque pas de sécrétion. La bière et le lait, les bouillons de viande sont au contraire de puissants sécrétagogues. Le café, le thé, le Coca-Cola, le Seven-Up provoquent une sécrétion modérée.

Cas des repas composites

L’eau

L’eau ingérée lors du repas s’évacue apparemment rapidement: elle quitte l’estomac au rythme de la moitié toutes les 20 à 40 minutes. Ce départ est compensé par la sécrétion. L’eau de la sécrétion gastrique est d’ailleurs plus abondante, et elle est sécrétée plus longtemps qu’on ne le pensait jusqu’ici (au total 400 à 1 100 ml et pendant 3 à 5 h 30 selon les types des repas). L’évacuation pylorique de l’eau porte à la fois sur l’eau du repas et l’eau de la sécrétion. Le débit liquide qui passe à travers le pylore varie de 2 à 5 ml/mn. Tout ceci peut paraître bien compliqué, mais cela aboutit à un résultat simple et efficace: pendant tout le temps de la digestion, l’estomac contient un volume de liquide qui reste à peu près constant. Les aliments restent toujours en suspension dans l’eau.

Les aliments solides

Ils vont être disloqués par l’estomac. La sécrétion chlorhydrique dissout le lien des fibres végétales, et la sécrétion pepsique digère le lien des fibres musculaires de la viande. La motricité stomacale, par les puissantes contractions de l’antre, facilite la dilacération des matières solides. Des études précises ont montré que le pylore sait reconnaître les morceaux non broyés, sait les empêcher de passer et sait les renvoyer vers l’intérieur de l’estomac! Par exemple une étude a été faite avec du foie de poulet cuit puis coupé en morceaux de deux tailles différentes. On constate, une heure après le début du repas, que les petits morceaux ont quitté l’estomac deux fois plus vite que les gros morceaux. Il en est de même pour les nouilles. Pour les fibres végétales c’est encore plus long: au bout de deux heures il y a encore la moitié des fibres végétales dans l’estomac et on en trouve encore plus de 20 p. 100 à la troisième heure.

Les graisses

Dans l’estomac humain la graisse est évacuée lentement: 10 à 15 p. 100 par heure si bien que la vidange gastrique des graisses dure 6 à 8 heures. Si la graisse est très intimement mélangée au repas, sous forme d’une mayonnaise par exemple, tout le reste du repas (l’eau, les œufs) se vide aussi lentement; par contre si la graisse n’est pas mélangée (beurre sur une tartine de pain) on constate ce phénomène curieux: la graisse est retenue, mais le reste du repas, l’eau bue, la viande mastiquée, se vide à sa vitesse habituelle. Comment l’estomac s’y prend-il pour reconnaître la graisse et la retenir pendant qu’il chasse le reste? C’est encore mystérieux. Tout ce que l’on sait, c’est que le message provient non pas du caractère physique de la graisse (son insolubilité dans l’eau par exemple) mais de l’absorption intestinale de la graisse elle-même. En effet, si au cours de ces expériences on remplace l’huile d’olive (qui est digestible) par de l’huile de paraffine ou un équivalent (qui n’est pas digestible) on note que cette graisse indigestible se vide aussi rapidement que l’eau.

Somme toute, la vidange gastrique qui commande le déroulement de la digestion dure beaucoup plus longtemps qu’on ne le croyait jusqu’ici: 3 à 6 heures semblent être les valeurs les plus réelles, 3 heures pour les petits repas (500 calories et peu de graisses), 6 heures pour les repas importants (1 000 calories).

Le fonctionnement du bloc duodéno-bilio-pancréatique au cours de la digestion

Sitôt franchi le pylore, les aliments entrent dans le duodénum, long de 25 cm environ la traversée des aliments ne demande que quelques minutes. Pourtant dans cet espace et ce temps si courts, il se passe beaucoup de choses. La première de toutes est le contact des aliments avec la muqueuse duodénale, et plus particulièrement avec les cellules endocrines qui y sont éparpillées. Stimulées, ces cellules endocrines libèrent des messagers qui vont mettre en marche les fonctions biliaires et pancréatiques. Parmi ces messagers, il y a la sécrétine (sous l’influence de l’acidité véhiculée par les aliments à leur sortie de l’estomac), la cholécystokynine-pancréozymine, CCKPZ (sous l’influence des protéines). La sécrétine entraîne la sécrétion hydro-bicarbonatée du pancréas. La CCKPZ fait à la fois contracter la vésicule biliaire et sécréter les nombreux enzymes du pancréas. À vrai dire, ce schéma est beaucoup trop simple: beaucoup d’hormones interviennent à ce moment-là, et les quantités de sécrétine et de CCKPZ ne sont pas les plus importantes. Quoi qu’il en soit, toutes les mesures montrent que, dans les minutes qui suivent le début du repas, il y a, dans tout l’intestin , assez de bile et d’enzymes pancréatiques pour assurer une parfaite digestion des aliments et que cette présence va se maintenir de façon presque constante pendant tout le temps nécessaire, c’est-à-dire au moins 5 heures, parfois 7 heures ou plus. Les enzymes produits ont une puissance remarquable. La digestion des aliments, notamment des hydrates de carbone et des graisses, s’effectue avec une grande rapidité, celle des protéines est un peu plus lente. Le duodénum n’est pas seulement l’organe de commande des sécrétions bilio-pancréatiques; c’est aussi l’endroit où commencent réellement la digestion et l’absorption du repas. Tout d’abord il achève la transformation du chyme alimentaire.

À la sortie de l’estomac les parties solides ont été réduites à de fins morceaux de 1 à 2 mm, la graisse, séparée de l’eau, surnage; le liquide est acide (pH 2 à 3 environ) et sa concentration osmolaire (liée aux particules dissoutes, sel, sucre, etc.) est très variable à pH 7 et isoosmotique au plasma (300 mosm/l). Le passage de pH 2 à pH 7 s’effectue dans les premiers centimètres du duodénum à la fois par la sécrétion bicarbonatée pancréatique et par la sécrétion duodénale elle-même. L’équilibre osmotique à 300 mosm/l s’effectue très rapidement par passage d’eau à travers la muqueuse duodénale; la crème homogénéisée résulte pour une part du commencement de la digestion des hydrates de carbone et des viandes par les enzymes pancréatiques, mais surtout de la mise en solution des graisses (micelles). On sait que l’huile et l’eau ne se mélangent pas, les sels biliaires représentent un lien entre ces deux milieux car ils ont deux pôles: l’un soluble dans l’eau, l’autre soluble dans l’huile. La bile qui arrive dans le second duodénum apporte les quantités de sels biliaires nécessaires pour atteindre la «concentration micellaire critique 4 mM/l», c’est-à-dire celle qui déstabilise l’interface entre les grosses gouttes de graisses et l’eau qui les entoure, permettant la subdivision de la goutte en plusieurs milliers de fines particules graisseuses de 10-6 mM de diamètre. C’est alors et alors seulement que le chyme est devenu le mélange idéal pour permettre la digestion et l’absorption dans l’intestin grêle. Le duodénum se comporte par surcroît comme un segment d’intestin dont la fonction est l’absorption des nutriments. Malgré le court laps de temps que demande le passage des aliments dans le duodénum, un pourcentage respectable de glucides et de lipides sont absorbés. Certaines expériences ont montré qu’à la sortie du duodénum le chyme alimentaire avait déjà perdu par absorption 40 p. 100 environ de ses glucides et de ses lipides.

L’absorption dans l’intestin grêle

Pendant son cheminement à l’intérieur du tube de 4 à 6 mètres de long que constitue l’intestin grêle, le chyme alimentaire est progressivement digéré et absorbé, comme on le verra résumé dans la figure montrant, sur 24 heures, à chaque étage du tube digestif, le sort des principaux nutriments (eau, glucides, lipides, protides). On n’examinera ici que quelques points particuliers.

Variations du contenu intestinal

Si le contenu intestinal varie d’un point à un autre du grêle, il est important de noter qu’il y a toujours très peu de matières dans l’intestin, même au plus fort de la digestion. Cela tient au fait que l’absorption suit de près la digestion, et que les produits de la digestion disparaissent rapidement.

Dans la partie supérieure du grêle se trouve un enduit crémeux coloré en jaune par la bile, dont le pH est 6,2 à 6,7. Il contient une quantité importante d’amidon, toute la cellulose, mais très peu de sucres, des fibres musculaires, de l’élastine et de la mucine, des micelles (sels biliaires-graisses); mais au total, on y trouve très peu de produits d’hydrolyse des protéines et des graisses. Il contient encore de l’eau, des sels, la bilirubine et des sels biliaires; enfin, il est presque stérile.

Dans la partie inférieure du grêle, le contenu intestinal est constitué par une pâte demi-fluide jaune, de pH 6,5 à 7,3, contenant encore des fibres musculaires, de l’élastine, la mucine, toute la cellulose et les fibres végétales, un peu d’amidon et de graisses, mais pas de produits de la digestion. On y trouve beaucoup moins de sels, moins d’eau et moins de sels biliaires. Le milieu intestinal s’est enrichi d’une grande quantité de microbes et surtout d’une quantité importante de cellules intestinales desquamées et de leucocytes, eux-mêmes en cours de digestion.

Les liquides et les gaz circulant dans l’intestin grêle

Dire que les nutriments circulent dans l’intestin grêle sous la forme d’une crème plus ou moins épaisse est une vue trop raccourcie. Tout d’abord, il circule des gaz (200 ml environ) qui facilitent la progression mais aussi les mélanges, grâce au phénomène de bulles qu’ils produisent. L’origine de ces gaz est bien connue: c’est tout simplement de l’air que l’on avale avec chaque bouchée du repas. Cet air s’accumule d’abord dans la partie supérieure de l’estomac (la grosse tuberosité) mais il progresse aussi avec le repas. Ce faisant, l’oxygène diffuse à travers la paroi digestive, alors que l’azote diffuse mal: il en résulte que, dans l’intestin grêle, ce sont surtout les bulles d’azote qui circulent. Par ailleurs, le chyme bien que «crémeux» n’en reste pas moins un soluté aqueux. On a mesuré en plusieurs endroits de l’intestin le flux de liquide qui y passe chaque minute. En haut de l’intestin (dans le jéjunum) ce flux varie de 1 à 2 ml/mn (à jeun) à 2 à 4 ml/mn en phase post-prandiale. En bas (dans l’iléon) les chiffres sont 0,5 à 1,5 à jeun; 1 à 2,5, post-prandial. L’étude la plus récente montre que ce flux de liquide varie selon des ondes successives (les chiffres les plus élevés correspondant au sommet de l’onde) – on reviendra sur ce point à propos de la motricité. Mais il reste un objet de réflexion: la sécrétion d’eau dans l’intestin existe-t-elle réellement? Jusqu’en 1970 environ, la réponse aurait été oui, sans hésiter. Mais une analyse fine des conditions expérimentales a montré depuis que c’était une erreur d’interprétation. L’opinion qui prévaut est donc que la sécrétion intestinale n’existe qu’en cas de diarrhée (le schéma fig. 9 a été basé sur cette interprétation). Pourtant, il y a encore lieu de réexaminer ce point – tout particulièrement pendant la digestion et l’absorption. Il est vraisemblable qu’à ce moment-là l’intestin sécrète les quantités d’eau nécessaires pour maintenir la mise en solution aqueuse des aliments restant à digérer. (Si cela ne se produisait pas, la puissance de l’absorption est telle que l’intestin devrait être «sec» pendant une partie de la digestion.)

La motricité au cours de la digestion

Comme on vient de le voir le flux de liquide passe en un point donné par ondes successives. On sait par ailleurs que la radiocinématographie du repas baryté montre la progression d’ondes péristaltiques, certes assez irrégulières, et ne parcourant que des distances réduites, mais évidentes pour un observateur exercé. Tout ceci paraît simple. Quand elles passent, les ondes péristaltiques entraînent le passage du flux de liquide; d’où les variations de débit de celui-ci. Ce n’est malheureusement pas aussi clair, comme le montre un travail au cours duquel ont été mesurés simultanément les variations de pressions liées à la motricité et le flux de liquide. À jeun, on observe l’onde péristaltique du complexe migrant interdigestif et à son passage on observe l’augmentation du flux de liquide – conformément à l’interprétation précédente. Mais dès le début du repas on observe quatre phénomènes qui semblent indépendants les uns des autres:
1) L’arrêt immédiat du complexe migrant: même si une onde péristaltique est commencée, elle s’arrête.
2) L’existence de multiples variations irrégulières de la pression en chaque endroit de l’intestin, rien qui ressemble à une onde péristaltique.
3) Les toutes premières bouchées du repas parcourent l’intestin à vitesse assez grande: la fin de l’iléon est atteinte en 40 à 60 mn (soit une vitesse de 10 cm/mn environ, alors que la vitesse «habituelle» est de 2 à 3 cm/mn).
4) Les variations régulières du flux liquidien en un point ne correspondent à aucune variation particulière de la pression. Ainsi, pour le moment, nous manquons d’une explication mécanique rationnelle de la progression de notre repas dans l’intestin.

Ce travail a confirmé un autre point déjà évoqué à propos de l’estomac: la longue durée de la digestion chez l’homme. En effet, le complexe migrant interdigestif s’interrompt au début du repas. Sa reprise marque la fin de la digestion. Cet intervalle a varié de 2 h 45 à 10 h (temps moyen: 6 h) chez les hommes étudiés par cette méthode. Dans le cas extrême la digestion durerait 20 h sur 24 pour deux repas par jour.

La microbiologie digestive, les fibres alimentaires, les aliments dans le côlon

La microbiologie digestive

Le monde dans lequel nous vivons regorge de microbes. Les aliments n’échappent pas à cette règle: nous «mangeons» beaucoup de microbes. Dans la bouche vivent en permanence 106 à 109 bactéries par millilitre de salive, la «concentration» est encore plus importante sur les gencives. À l’inverse, l’estomac, grâce à son acidité, le duodénum, grâce à la bile, détruisent une grande partie de ces microbes et dans le jéjunum supérieur on ne trouve que 10 à 10 000 germes par millilitre. Dans l’iléon, le nombre augmente: 106-107 germes par ml, et ce sont les bactéries anaérobies qui s’installent. Dans le cæcum: 108-109. Dans les selles: 109-1012. Le total des microbes digestifs (1013-1014) est égal ou peut être supérieur au nombre des cellules de notre corps! Ces bactéries représentent un monde grouillant de vitalité: chacune d’elle naît, se nourrit et se divise en deux nouvelles bactéries toutes les 2 à 6 heures. Comme le nombre de bactéries reste constant, cela veut dire qu’une des deux bactéries meurt avant de se diviser et qu’elle est digérée. Au total 40 000 à 220 000 milliards de bactéries naissent et meurent chaque jour dans notre tube digestif! Parmi toutes ces bactéries quelles sont les plus importantes? Les colibacilles, dont chacun a entendu parler, ne représentent qu’un millième de nos bactéries. Les plus importantes sont les plus mal connues: les bactéroïdes, groupe de vingt espèces différentes, qui constituent 99 p. 100 de notre écologie bactérienne; viennent ensuite les eubacteria et le bifidobacterium.

L’enfant à sa naissance a un tube digestif stérile. Les bifidobactéries et les lactobacilles s’installent dès la fin du premier jour de la vie; quelques jours après, leur concentration atteint déjà le milliard par gramme de selles. À la fin de la première semaine apparaissent les formes anaérobies strictes. Pendant cette période initiale de la vie, l’enfant est protégé par les immuno-globulines que sa mère lui a transmises in utero , ou lui transmet par l’alimentation au sein. C’est ainsi que les clostridies apparaissent dans les trois premiers jours de la vie, mais diminuent fortement lorsque l’enfant est nourri au lait maternel. Par la suite, deux facteurs régulateurs interviennent: le développement des défenses propres de l’enfant qui s’immunise contre un certain nombre de microbes, la protection par les bactéries elles-mêmes; les premières bactéries installées dans notre tube digestif «choisissent» les nouvelles, tolérant les unes, refusant les autres. Vers l’âge de deux ans, l’écologie bactérienne intestinale qui nous accompagnera pendant toute notre vie est définitivement constituée.

Les fibres alimentaires

Nous mangeons beaucoup de produits végétaux, farines, légumes ou fruits. Ceux-ci contiennent principalement un glucide de réserve, l’amidon, qui est l’aliment que nous recherchons (et aussi le saccharose dans la betterave); ils contiennent aussi le fructose dans les fruits, et, en quantité plus faible, des protéines ou des lipides. Ces végétaux sont soutenus par une armature. Les constituants de cette armature sont: la cellulose, l’hémicellulose, la lignine. Tous résistent à la digestion par les enzymes produits dans le tube digestif. Il en résulte qu’ils traversent sans grande modification l’estomac et l’intestin grêle et arrivent presque intacts dans le côlon.

La digestion dans le côlon

Les résidus qui ont échappé à la digestion du grêle trouvent dans le côlon les bactéries intestinales. Celles-ci produisent des enzymes dont certains sont capables de faire ce que les enzymes digestifs ne savent pas faire. Notamment, elles attaquent les fibres végétales et digèrent à 50 p. 100 l’hémicellulose et à 10 ou 20 p. 100 la cellulose. Elles produisent aussi des enzymes qui digèrent la pectine à 90 p. 100 – ainsi que le mucus. Par contre, elles sont impuissantes, comme nous, devant la lignine. Le résultat de cette attaque bactérienne est la libération de nouvelles quantités de sucre (glucose, pentose, acide glucuronique). Les bactéries peuvent alors absorber ce sucre et le digérer à son tour en produisant d’une part, leurs propres molécules cellulaires et, d’autre part, des acides organiques, de l’hydrogène, du méthane et du gaz carbonique qu’elles déversent dans le liquide intestinal. Les gaz coliques restent cependant constitués à plus de 50 p. 100 par l’azote provenant de l’air ingéré. Les fibres alimentaires et les résidus hydrocarbonés ne sont pas les seuls à être digérés dans le côlon: 10 à 20 p. 100 de notre alimentation protéique y parvient aussi. D’autres races de microbes interviennent pour découper les protéines en acides aminés, pour digérer les acides aminés produits. Les résultats de cette digestion sont de nouveaux acides organiques et de l’ammoniaque. Ils sont absorbés par le côlon.

En ce qui concerne les lipides, on aborde un autre problème: ils sont peu utilisés par les bactéries et ils ne sont pas réabsorbés par le côlon. Par contre, leur rencontre avec certaines bactéries coliques peut aboutir à la production de substances cancérigènes. Dans cette affaire, ce ne sont pas tant les graisses habituelles qui sont en cause, mais le cholestérol et les sels biliaires. L’absorption importante de graisses contenues dans la viande ou dans des aliments fumés donne une excrétion fécale accrue de sels biliaires et de cholestérol transformés ensuite par les bactéries en substances nocives. Cela est un facteur de risque pour le cancer du côlon.

4. Médicaments correcteurs des troubles de l’appareil digestif

Les médicaments correcteurs des troubles de l’appareil digestif sont de nature très variée. Pratiquement tous sont symptomatiques, c’est-à-dire qu’ils ne pallient que les conséquences des affections envisagées sans réellement traiter le syndrome à son origine.

Au niveau de l’estomac prévalent des troubles d’origine sécrétoire: ulcères, gastrites, dyspepsies, alors que l’intestin est plutôt le siège de troubles d’origine motrice: diarrhées, constipations, colopathies, etc.

Traitement des ulcères digestifs

Les ulcères gastroduodénaux sont des atteintes de la muqueuse gastrique qui résultent d’un déséquilibre entre la sécrétion acide d’une part et la sécrétion de mucus protecteur d’autre part. Trois abords thérapeutiques principaux peuvent être envisagés: freiner la sécrétion acide, la neutraliser chimiquement, renforcer la protection au niveau de la muqueuse.

Dans le but de freiner la sécrétion acide, on cherche à bloquer de façon spécifique les effets stimulants qu’exercent sur la sécrétion acide gastrique des neuromédiateurs tels que l’acétylcholine ou l’histamine. Les médicaments anticholinergiques furent les premiers employés dans cette indication. Mais leurs effets secondaires gênants les ont fait quelque peu régresser par rapport aux antihistaminiques de type H2 tels que la cimétidine et la ranitidine, des substances très efficaces et d’effets secondaires moindres.

La neutralisation de la sécrétion acide gastrique repose sur l’apport dans la cavité stomacale de sels alcalins (hydroxydes, carbonates ou phosphates d’aluminium, de magnésium ou de calcium). La décomposition de ces sels dans l’estomac provoque une neutralisation chimique de l’acidité locale, diminuant ainsi son agressivité sur la muqueuse.

Les pansements gastriques ont pour but de renforcer la protection de la muqueuse gastrique. Dans cette voie, les sels de bismuth ont été largement utilisés; mais des accidents neurologiques d’origine toxique observés lors de traitements de longue durée en ont imposé le retrait du marché. De nouveaux sels tels que le bicitrate pourraient constituer un palliatif intéressant. La carbénoxolone, une molécule isolée de l’extrait de réglisse, augmente la sécrétion de mucus, permettant ainsi une meilleure protection naturelle de la muqueuse. Enfin, l’utilisation d’hormones impliquées dans la production de ce mucus, telles que les prostaglandines, constitue une voie d’avenir.

Il est à noter qu’une meilleure connaissance des mécanismes psychosomatiques impliqués dans le développement de la maladie ulcéreuse permettra sans doute d’appliquer des traitements plus logiques. Ainsi, un médicament comme le sulpiride, qui agit assez spécifiquement sur certaines structures du cerveau contrôlant le tonus émotionnel et qui manifeste par ailleurs des propriétés antiulcéreuses, est l’exemple de cette orientation thérapeutique.

Traitement des affections intestinales

La diarrhée est un symptôme extrêmement banal qui est bien souvent le reflet d’affections bénignes, très accessibles à des traitements symptomatiques. Parfois elle est révélatrice de maladies particulières du tube digestif requérant un traitement spécifique tels que des antibiotiques, des antiseptiques intestinaux ou des antifongiques. Les médicaments antidiarrhéiques à visée symptomatique sont destinés à lutter contre l’accélération du transit intestinal et l’augmentation de l’élimination digestive de l’eau et du sodium. Parmi les ralentisseurs du transit figurent les spasmolytiques (inhibiteurs du système parasympathique) qui diminuent le tonus et les mouvements spontanés de l’intestin et les spasmogènes (morphiniques et préparations d’opium) qui bloquent le péristaltisme en créant un spasme de l’intestin. Les topiques intestinaux (poudres absorbantes, kaolin, charbon, astringents) diminuent l’excitabilité de la musculature intestinale par un effet protecteur local.

La constipation résulte d’un défaut du processus d’élimination des selles, le plus fréquemment d’origine fonctionnelle et ayant alors pour point de départ des erreurs hygiénodiététiques. Les laxatifs sont alors utilisés dans le but de favoriser ou provoquer l’évacuation des matières contenues dans l’intestin, sans colique ni diarrhée, contrairement aux purgatifs. Parmi les laxatifs mécaniques figurent des substances qui font masse (mucilages, son, agar-agar) ou lubrifiantes (huile de paraffine). Les agents tensio-actifs entraînent une émulsion des matières par liquéfaction. Les purgatifs, d’action plus marquée, voire irritante comprennent les solutions alcalines de sulfate de magnésium ou de sodium et l’huile de ricin, qui provoquent un appel d’eau dans la lumière intestinale et des substances péristaltogènes qui augmentent les sécrétions intestinales et entraînent une exagération du péristaltisme: extraits de séné, de bourdaine, de cascara ou d’aloès, phénophtaléine et dérivés. La constipation, véritable maladie de civilisation, et le mythe de la selle quotidienne obligatoire sont bien souvent responsables d’une consommation excessive de ces substances par automédication très importante et injustifiée. La consommation prolongée de ces médicaments peut aboutir à la «maladie des laxatifs», caractérisée par des troubles tels que diarrhée, amaigrissement, asthénie et perte de potassium. Des accidents mortels ont été également observés.

Traitement des nausées et vomissements: antiémétiques

Le vomissement constitue un acte réflexe complexe sur lequel les substances antiémétiques peuvent agir à différents niveaux. Certaines substances comme les antihistaminiques, les neuroleptiques et le métoclopramide bloquent la commande du réflexe au niveau de certaines zones du cerveau. Les inhibiteurs du système parasympathique agissent de préférence au point de départ périphérique du réflexe.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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